JVH #6 – L’imaginaire de la seconde guerre mondiale

La seconde guerre mondiale dans les jeux vidéo fantaistes.

Dans le dernier JVH nous avons étudié des jeux portant sur la seconde guerre mondiale, et vous avez été beaucoup à m’en conseiller d’autres utilisant ce confit comme références dans un univers fictionnel.
Et c’est ce qu’on va faire aujourd’hui en croisant deux œuvres, Killzone un FPS occidental et Valkyria Chronicles, un tactical RPG japonais, et on va commencer par étudier ce que l’on appelle le péritexte, c’est à dire entre autres, l’ensemble des illustrations qui entourent une œuvre :

Les covers de Killzone mettent en avant la figure d’un ennemi sans visage et le personne que vous contrôlez n’apparaît pratiquement pas.
Celles de Valkyria Chronicles en revanche, les héros sont mis en valeur, sont en mouvement, ce qui donne un côté dynamique et épique à l’ensemble, ce que l’on retrouve sur son écran titre tandis que celui de Killzone colle avec l’ambiance froide et impersonnelle du jeu.

Alors appuyons sur Start pour analyser ce que les scénarios de ces deux jeux nous proposent.

 

Le passé dans les scénariis

Killzone est une série de quatre jeux de tir à la première personne développée par les hollandais de Guerrila Games, une filiale de Sony, dont le premier opus est sorti en 2009 sur Playstation 2.
Killzone 1 prend place en pleine conquête spatiale futuriste. Un conflit économique entre l’United Colonial Nations et la société Helghan débouche sur la Première Guerre Extrasolaire. Vaincus, les Helghats sont forcés à migrer sur une planète du même nom, au climat hostile, ce qui forcera leurs corps à muter, aux prix de nombreuses pertes et souffrances,
Quand on regarde les scènes cinématiques d’introduction, les références au nazisme sont très claires : les Helghats sont dirigés par Visari un orateur charismatique prenant la parole devant ses soldats dans des mises en scènes rappelant les rassemblements nazis de Nuremberg. Et Ses discours ne manquent pas d’idéologies : ils rappellent à plusieurs reprises la peur de voir disparaître la race Helghats à cause de l’acharnement de nations étrangères, la nécessité de la remilitarisation pour reconstruire la nation, et le slogan du parti nazi « Ein Wolk , Ein Reich, Ein Fuhrer… » trouve ici son écho vidéoludique.
Le reste de l’iconographie est sans surprise: les soldats sont vêtus d’un uniforme noir et leur symbole est un détournement évident de la croix gammée.
Le déroulé des opus est peut être un peu subtil qu’il n’y paraît, quelques pistes d’exploration : Dans Killzone1, les terriens se défendent de l’invasion des Hellghats, mais dans le 2 ce sont les êtres humains qui sont considérés comme les agresseurs et les colonisateurs, rappelant ainsi les dernières heures d’une Allemagne nazie envahit par l’URSS.
Cependant Killzone n’emprunte pas ses références qu’à la 2nd guerre mondiale : dans le 3ème opus, on incarne une escouade de soldats de l’UCN coincée sur Helghan. Le début nous fait avancer à taton dans la jungle tandis qu’à la fin, la population Helghats est presque entièrement décimée par le pétrusite, une arme chimique. Et quand on se rappelle que l’UCN est la représentation vidéoludique des Américains, la comparaison avec le napalm utilisé au Vietnam est une évidence.
Dans Shadow Fall, le dernier épisode sorti en 2013, la planète Vectan (des humains) est divisée en deux espaces, une pour chaque race, et séparé par un mur, une référence explicite à la guerre froide.
De son côté, le conflit de Valkyria Chronicles se déroule sur le continent fictif d’Europa en 1935.

Malgré son appellation, Europa n’est pas l’Europe malgré une île rappelant la Grande Bretagne ou des mers et océans portant des noms réels.
De même, l’année 1935 ne se rattache à aucun contexte historique connu.
On sait juste que l’on se place après une Première Grande Guerre Européenne (évocation dans le chapitre 8), et donc comme dans Killzone, l’histoire démarre après un premier conflit important, rappelant ici le contexte européen à la veille de la seconde guerre mondiale.
Le ressort scénaristique est pratique car il permet de fournir une profondeur au scénario ainsi que des arguments de revanches ou de vengeances aux protagonistes.
Valkyria Chronicles s’ouvre donc sur un nouveau conflit militaire entre l’Alliance Impériale d’Europe de l’Est et la Fédération Atlantique, un bloc rouge, un bloc bleu, la référence à la guerre froide est évident et permet de construire un antagonisme clair.
On suit le parcours de Welkin et d’Alicia, tous deux originaires de Gallia, une petite monarchie indépendante, attaquée par l’Empire pour son ragnite, la ressource principale du jeu, et semble être un mixe de différente inspiration :
Ses paysages ruraux fleuris, où les moulins sont nombreux, évoquent les Pays-Bas tandis que sa politique de neutralité fait souvent dire aux joueurs que Gallia ne serait que la traduction vidéoludique de la Suisse.
Chaque citoyen de Gallia reçoit une formation militaire, le pays est donc sous le régime de la conscription tout comme le Japon à la veille de la seconde guerre mondiale : et nos deux héros, Welkin et Alicia, proviennent de cette milice locale.
Du côté du design des ennemis, les soldats impériaux sont tous casqués, leurs yeux sont masqués, un peu comme les Helghasts de Killzone, certaines unités ont un aspect médiéval, et la couronne de lauriers de l’empereur Maximilien rajoute une touche antique que l’on retrouve à plusieurs instants du jeu :
Gaule en latin se dit Gallia et l’interface narrative se déroule à travers un livre intitulé « From the gallian Front », titre qui n’est pas sans rappeler « les commentaires sur la guerre des gaules » écrit par Jules César pendant cette campagne militaire.
Dans l’animé, qui a suivi la sortie du jeu, si on regarde bien derrière le général de Gallia, on aperçoit une carte de la Gaule avant les conquêtes romaines : on distingue les deux provinces de la Gaule déjà conquise par les romains : l’Aquitaine et la Narbonnaise, les romains désignant par Gaule Celtique le reste du territoire, et on voit même le nom de quelques tribus comme celle des Arvernes…
Peuple dont est issu le fameux Vercingetorix  que l’on retrouve dans le jeu :
Car Welkin n’est que le raccourci de « Welkingetorix », prononciation japonaise du chef de la résistance gauloise pendant la guerre face aux troupes de Jules César. Welkin est le chef de notre escouade au commande d’un tank puissant et [Mettre Welkin à côté de Maximilien]
Est-ce qu’Alicia est une référence à Alésia ? Ca j’en sais rien et les développeurs n’évoquent pas ce cas quand ils expliquent leur utilisation de l’Histoire.
[photo+postes] L’objectif de Ryutaro Nonaka et Shuntaro Tanaka étaient de créer un jeu vidéo sur la seconde guerre mondiale dans une Europe réaliste, influencée qu’ils étaient par Band of Brothers ou Il faut sauver le Soldat Ryan, en reprenant le gameplay de Sakura Wars, un de leur jeu précédent.
Cependant, les 2 développeurs ont choisi de créer une Europe entièrement fictionnelle afin d’avoir une certaine liberté de création et d’éviter que les joueurs japonais se perdent dans les multiples états, peuples et religions, Nonaka et Tanaka ont décidé de créer une Europe entièrement fictionnelle.

Un sacré pot-pourri historique donc mais s centré sur la 2nd guerre mondiale, ET d’ailleurs à mon sens Gallia est bien loin d’être une représentation passive de la Suisse.

Il faudrait en effet plutôt la comparer à la Pologne : le pays est coincé entre les deux puissances belligérantes et subira l’offensive puis l’occupation de l’Empire de l’Est, mais ce qui me conforte dans cette comparaison, c’est le choix des développeurs de rajouter un aspect racial à cette guerre :
Car deux races existent dans le jeu : par le passé, les Valkyries, habitant le Nord du continent, auraient sauvé Europa de la menace des Darcsens.
Ce peuple, caractérisé par des cheveux noirs et le port d’un vêtement distinctif, est accusé d’avoir voulu conquérir le continent en dévastant la civilisation connue, leur défaite finale provoqua leur diaspora à travers Europa.
Une fois Gallia conquise par les troupes impériales, les Darcsens sont discriminés, enfermés dans des camps de concentration où ils travaillent pour l’effort de guerre, et sont considérés comme des nuisibles qu’il ne faut pas toucher.
L’imagerie est claire : les Valkyries représentent la race nordique des Aryens, et les Darcsens les juifs, dont la première communauté résidait en Pologne avant la 2nd GM, pour terminer l’analogie.
Seulement, la référence aux juifs se limite à l’exploitation des Darcsens comme force de travail. On l’avait déjà vu dans l’épisode précédent, évoquer les politiques d’extermination de population dans les jeux vidéo semble être un exercice difficile, d’autant plus dans les œuvres nippones, les massacres perpétrés par les troupes japonaises en Chine étant encore…  Dernière référence à la seconde guerre mondiale, l’utilisation de la bombe atomique dans les deux jeux, à ceci près qu’elle est, à chaque fois, utilisée par les ennemis du joueur…

Gameplay

 

Dans la continuité de son scénario, les missions de Killzone reprennent des batailles clés des guerres mondiales : le début est un rappel des tranchées de 14-18, tandis que la suite du jeu nous entraîne dans des phases de guérilla urbaine, nous plongeant ainsi dans une adaptation futuriste de Stalingrad avec des snipers.
Souvent, dans un FPS, on avance irrésistiblement dans des niveaux en forme de couloir et on écrase tout sur son passage, comme un rouleau compresseur, sans avoir de choix à faire.
Dans Killzone, on est souvent accompagné par un ou deux compagnons au cours des missions, mais ça n’a pas vraiment d’impact sur le scénario vu qu’ils ne peuvent pas mourir pendant les phases de gameplay.

De plus, on ne traverse que des villes vides, sans civils, le monde semble être au main des militaires. Ce qui peut nous donner une vision faussée du référentiel de la 2nd GM où la majorité des morts étaient des civils.
Dans le contexte très Guerre Froide de Killzone 4, si les civils sont présents sur les zones de combats et peuvent être victimes de tirs collatéraux, on regrettera qu’ils aient tous la même apparence physique ce qui tend à rompre le sentiment d’immersion et d’implication du joueur.
Pire, le potentiel narratif du gameplay s’est appauvrit au fil de la série : Killzone 1 proposait au fil de l’aventure de choisir parmi différents personnages avec des caractéristiques propres., ce qui était plutôt original pour un FPS.

Après le rachat du studio par Sony lors du développement de Killzone 2, : terminé les différents personnages, place à un gameplay se rapprochant des FPS classiques. Sony formate ainsi son jeu pour qu’ils ressemblent aux canons de l’époque : Call Of Duty et surtout Halo sur la machine concurrente de Microsoft.
Bref, le gameplay ne raconte finalement pas grand chose : la crainte des Hellghats de disparaître n’est présente que dans les cinématiques, dans le jeu, on se retrouve simplement face à des ennemis de base qu’il faut tuer sans trop réfléchir.

Le gameplay de Valkyria Chronicles est bien plus complexe car il superpose plusieurs genres :Dans une première phase de gestion, le joueur doit choisir en fonction de leurs caractéristiques la 10aine de soldats qu’il va contrôler pendant les phases d’affrontements : certains sont plus à l’aise en milieu urbain qu’en zone désertique, tandis que d’autres font plus de dégâts quand ils sont accompagnés par certains de leurs frères d’armes.
Il faut les choisir parmi plusieurs classes : l’éclaireur a une faible puissance de feu mais peut parcourir de grandes distances, tout l’inverse du shock troopers, une unité très puissante mais peu mobile, les ingénieurs servent à déminer les chemins et à réparer le tank, l’équipement des lanciers leurs permet d’attaquer les tanks ennemis, et le sniper n’a qu’une très faible barre de déplacement mais permet souvent d’abattre un ennemi en un coup.
Chacune unité a un avantage sur une autre, comme dans un pierre/feuille/ciseau classique.
Chaque bataille remportée nous donne de l’argent et de l’expérience que l’on peut investir dans chaque classe pour développer leurs capacités
Ensuite, après briefing de la bataille, on doit choisir nos soldats en fonction du type de terrain et les positionner sur le champ de bataille. Ici, l’interface nous fait clairement penser à celle du Wargame, un genre de jeu, sur table à l’origine visant à simuler un conflit militaire.
Sur une map de Valkyria Chronicles, nos pions sont en bleus, les ennemis en rouge. Les étoiles du haut correspondent à nos points de déplacement : chaque unité en consomme une, seul le tank, notre arme la plus puissante en consomme deux.
Une fois l’unité sélectionnée, on passe en vue à la troisième personne : on dirige notre soldat, dans la limite de sa barre de déplacement dépendant de sa classe, et on peut effectuer une seule action par tour : tirer, soigner un allier, ou réparer le tank. Le but de chaque mission étant de capturer des camps ennemis sur la carte.
Et finalement, cette partie du gameplay est la seule vraiment spécifique au jeu vidéo, le reste n’étant qu’une traduction videoludique de jeux anciens.

Une mission est assez symbolique de la difficulté de raconter l’Histoire par le gameplay, c’est la libération de Fouzen une ville minière, riche en ragnite, où les Darcens sont exploités et détenus dans un camp de concentration, dont les personnages n’ont entendu parlé qu’à travers de vagues rumeurs. En dehors de ces enjeux économiques et moraux, l’objectif est surtout centrée sur la destruction d’une’artillerie-mobile, une sorte de version ferrovière de la grosse Bertha

Dans la première partie de ce chapitre, le gameplay ajoute une phase d’infiltration puisqu’il faut éviter les lumières pour ne pas rameuter des renforts supplémentaires, l’anime reprend d’ailleurs ce mode opératoire, qui n’est pas sans rappelé le gameplay dans le camp de concentration de Wolfenstein analysée dans la précédente émission.
La victoire nous fait découvrir le camp de concentration : ce déroulement fait ici penser à l’épisode 9 de Band of Brothers, série qui a servi d’inspiration aux développeurs. Dans celui-ci les troupes américaines tombent par hasard sur un camp de concentration pendant leur avancée en Allemagne, tout comme les héros dans le jeu qui ne peuvent ici cacher leur surprise. Et je dis bien les héros et non pas le joueur qui lui, est déjà au courant via la cinématique d’introduction, et c’est dommage parce que ça brise complètement l’émotion que le jeu veut susciter par le décalage entre les actions violentes du joueur et les scènes cinématiques qui dévoilent la vraie nature de ce lieu.
Dans la deuxième phase de ce chapitre, l’assaut est donné contre la forteresse-mobile, et c’est là que la différence entre l’anime et le jeu devient intéressante : Dans la série animée, Gregor, le général ennemi, somme l’armée de Libération de cesser son assaut sous peine d’ouvrir le feu sur les Darcens fuyant le camp de concentration : les héros ont donc le choix entre continuer de combattre et se rendre pour protéger les civils. Pour les besoins de l’intrigue, l’assaut se poursuit, entraînant les forces de l’Empire à provoquer un véritable massacre de masse.
Mais dans le jeu, rien de tout ça, la mission est assez classique et tout juste apprend-t-on en fin de mission, via les scènes cinématiques, que les soldats de l’Empire ont fait brûlé vifs des civils Darcens.
Il est ainsi étonnant de voir que le média le plus interactif se voit enlever la possibilité de déterminer la suite de l’intrigue, le pouvoir de décision du joueur étant le propre d’une activité ludique.

Ces jeux nous offrent donc deux gameplay très différents, on va se demander ainsi ce que jouer à la guerre veut dire pour le joueur, bref, on va analyser ici l’expérience de jeu.

 

L’expérience de jeu


Le genre FPS nous fait-il vraiment jouer à la guerre? On se retrouve le plus souvent dans des embuscades ou dans des phases de guérilla urbaine, nous donnant ainsi une vision tronquée d’un conflit qui se veut mondiale. La guerre n’est donc pas perçu dans sa totalité et seule l’action d’une poignée d’hommes semble pouvoir changer le destin d’une nation entière.

Le point fort de la vue FPS, en nous mettant dans le corps de l’avatar contrôlé, serait d’entrainer une immersion plus grande qu’avec une vue externe.
Or, à bien y réfléchir, l’effet n’y est pas et je vais évidemment reprendre une partie des propos développés par Mathieu Triclot dans Philosophie des jeux vidéo : [ZOOM caméra sur un œil] la vue FPS offre une vision restreinte par rapport aux dynamismes naturelles de l’œil humain, Pour reconstituer l’espace autour de nous, on n’a besoin que de quelques coups d’oeils. Dans un jeu en vue FPS, on doit bouger la totalité de la caméra : notre vision est ainsi plus petite, les angles morts sont nombreux, et si c’est très intéressant dans un jeu d’horreur car cela rend les jump-scares plus efficaces, dans un jeu de guerre, cela renforce plutôt l’aspect machine à tuer qui ne peut focaliser son regard et son arme que sur l’ennemi à abattre.

De plus, dans un FPS militaire, il est très difficile de percevoir, de sentir les dégâts infligés par l’ennemi, il nous manque ce feed-back,
Et quand j’y pense, je trouve que les sensations d’un FPS se rapprochent plus de celles d’un jeu de voiture avec une vue dans l’habitacle : l’idée est d’aller vite en exécutant des imputs précis sans vraiment avoir peur pour l’intégrité physique de son avatar, qu’il soit un bolide ou un soldat surentraîne.

Pour Valkyria Chronicles, les développeurs n’ont pas voulu faire un FPS car ils voulaient un vrai jeu de guerre, et mettre l’accent sur l’action aurait rendu le jeu trop facile, trop basé sur le skill, en délaissant l’histoire et les personnages.
De fait, les différentes couches de gameplay de Valkyria Chronicles entraînent une certaine mise à distance de la violence, que l’on retrouve également dans l’absence de son esthétisation par le choix d’un graphisme très manga. Si Killzone s’adresse plus aux adultes, de part son rythme haletant et sa violence direct, Valkyria parle plus à l’enfance, tant le choix et le déplacement des personnages vise à rappeler les jouets de notre enfance que l’on faisait combattre.

L’expérience de Valkyria Chronicles est faite de beaucoup d’instants de pauses et de réflexions nécessaires pour affiner sa stratégie, savoir quel soldat on va déplacer et quels ordres on va lui donner. De plus la possibilité de sauvegarder après chaque action, et donc de pouvoir revenir en arrière en cas d’erreur, peut satisfaire le plus méticuleux des joueurs.
Le plaisir de jeu vient autant de notre justesse au tir que de voir l’ennemi s’empaler sur notre défense lors de son tour d’action.
Si Valkyria est évidemment moins violent qu’un Killzone, il arrive peut être à mieux nous faire ressentir les conséquences humaines de la guerre dans son gameplay : un RPG nous met souvent dans le rôle de chef d’une équipe, et c’est le cas ici vu que l’on incarne Welkin donnant des ordres à ses soldats, que l’on dirige individuellement ensuite. Sauf qu’ici, si un de ces personnages se fait tuer pendant une mission, on le perd pour le restant de l’Histoire, et vu qu’ils possèdent tous un design particulier, et des caractéristiques propres, on peut supposer que le joueur s’y attache au fil de l’aventure et que leur survie est un enjeu important pour le joueur. Sauf que cette mécanique a ses limites car elle ne concerne que les personnages secondaires du jeu, ainsi, la mort d’Isara, sœur du héros et personnage principale, intervient pendant une séquence cinématique et non dans une phase de jeu.
Plus que nous mettre dans la peau d’un soldat, VC nous fait donc incarner celui qui envoie les soldats au combat, ce qui permet de créer une empathie entre le joueur et les personnages dirigées, De plus, dans le scénario, le général de Gallia est décrit comme un commandant cruel envoyant ses soldats à l’abattoir dans des assauts suicidaires dignes de la première guerre mondiale, encourageant ainsi le joueur à se comporter d’une autre manière avec ses troupes.

Valkyria a le mérite de briser la masculinité militarisée que l’on rencontre habituellement dans les jeux vidéo : il y autant de femmes que d’homme dans les soldats et les deux héroïnes de chaque camp, Alicia et Machine, sont les deux forces principales de chaque armée.

 

Conclusion

 

J’étais parti sur une étude de la présence de la seconde guerre mondiale dans des jeux se déroulant dans des univers parallèles.
Alors que d’autres références historiques plus fines s’y glissent, la seconde guerre mondiale est plus proche de nous, elle nous parle, rentre en écho avec nos références culturelles et nos passés familiaux, et rend ainsi le futur de Killzone proche et l’univers de Valkyria familier.
On peut ainsi penser que l’Histoire n’est une ressource facile et accessible dans laquelle puiser pour construire son scénario :
Sauf que, ce n’est justement pas l’Histoire qui sert d’inspiration principal à un jeu vidéo, mais le cinéma 

Dans nos jeux étudiés, c’est une évidence : Killzone est une adaptation futuriste de Call Of Duty ou Medal Of Honor, deux œuvres qui, déjà, réutilisaient les codes du cinéma, que ça soit ici avec le Stalingrad de Jean Jacques Annaud ou avec le débarquement de Normandie de Spielberg dans Il faut Sauver le Soldat Ryan, Deux événements qui sont également adaptés aux contextes de KillZone.
Du côté de Valkyria Chronicles, les références à Band Of Brothers que ça soit au niveau de son scénario ou de son gameplay mettant en avant le travail d’équipes, sont omniprésentes dans l’expérience de jeu.
On vient en fait ici de décrire le concept de remédiation, développé par les professeurs anglais David Bolter et Richard Grusin. On parle de remédiation quand un nouveau medium reprend les formes d’un medium précédent : ici le jeu vidéo reprend clairement celles des films de guerre.
Mais du coup, est-ce que le jeu vidéo arrive à toucher les mêmes problématiques que le cinéma qui regorge de film dénonçant la guerre? Peut-on réfléchir SUR la guerre en jouant à la guerre? Dans une précédente vidéo, j’avais déjà évoqué l’échec, qu’était à mes yeux, l’aspect pédagogique de Soldats Inconnus malgré une volonté réelle de faire passer des connaissances : le FPS ne fait évidemment pas mieux
Si America’s Army est présenté comme un Serious Game pertinent car il est utilisé par l’armée américaine dans ses campagnes de recrutement, serait-ce pas parce que le gameplay nerveux d’un FPS empêche toute réflexion? C’est d’ailleurs l’idée développé par Ed Walter, un journaliste américain. Pour lui, le jeu vidéo a besoin de passer en mode cinéma pour produire un effet, en nous poussant à nous confronter à l’image.