Assassin’s Creed Unity – Ludoformer Notre-Dame de Paris

Suite à l’annonce d’Ubisoft qu’en à la gratuité d’Assassin’s Creed Unity pour « offrir à tous les joueurs la possibilité de témoigner de la grandeur et la beauté de la cathédrale« , nous avons fait une heure de live, avec Marine Macq, autour de l’une des missions du jeu se déroulant à Notre-Dame que vous retrouverez à la fin de ce billet.

L’occasion me semblait intéressante pour parler de ludoformation, notion d’Espen Aarseth et convoquée régulièrement par le chercheur Julien Bazile qui désigne ce processus de transfert par lequel une source textuelle ou iconographique est traduite en jeu.
Sans s’intéresser uniquement à l’aspect visuel mais en rappelant le nécessaire lien entre le jeu vidéo et l’intéraction qu’il propose, on rappelera quelques points importants à mon sens:

  1. Notre-Dame de Paris ne peut être une représentation fidèle du bâtiment d’origine. La level artist d’Unity, Caroline Miouss, explique ici qu’ils n’ont pu tout reproduire à l’identique car certains éléments de Notre-Dame étaient sous copyrights. Certaines oeuvres, voires agencements, ont donc été inventées par l’équipe afin, on peut le supposer, de rendre l’ensemble plus pratique pour le parkour.
  2. La flèche qui s’est écroulée le 15 avril 2019 date du milieu du XIXème siècle. Sa présence dans le Paris de la Révolution est évidemment anachronique mais elle est peut être justifiée par deux choses: vouloir rendre Notre-Dame visuellement similaire avec celle connue par le joueur et ajouter un point d’escalade supplémentaire à ce dernier.
  3. La charpente en bois, « la forêt de Notre-Dame« , n’a pas été modélisée: le joueur ne peut tout simplement pas s’y rendre. On peut supposer que cette aire de Notre Dame n’a pas été jugée intéressante à être mise en jeu. L’ambition de vouloir reconstituer la cathédrale à l’aide d’Assassin’s Creed Unity s’écroule ainsi de facto.
  4. La luformation de la cathédrale est dichotomique. Pendant l’une des missions pendant laquelle nous devons assassiner un personnage, l’intérieur de Notre Dame est éminemment hostile. Le joueur doit se faufiler, jouer avec le décor en l’appréhendant pour ajuster sa proie. On comprend vite que la meilleure manière de l’atteindre est d’accéder au premier étage en passant par les côtés du monument. De souvenir, la visite des monuments religieux d‘Assassin’s Creed II n’offrait pas de combats. Autre époque, autre mise en jeu: la période révolutionnaire entame une déchristiannisation de la France et Notre Dame devient ce bâtiment dans lequel les combats les plus sanglants sont permis. Il semble cependant qu’après la mission principale, l’intérieur des lieux soit plus propice à la balade. A l’inverse, le parcours du toit nous propose une autre expérience, plus contemplative: les ennemis sont absents (y compris sur les toits voisins) et nous pouvons nous déplacer sur toutes les parties sans danger, à part la chute mais jusqu’ici tout va bien. Pour un usage pédagogique, à part si Ubisoft développe une version Discovery Tour, la balade sur les toits est donc plus conseillées qu’une exploration de l’intérieur du monument.

Une double nostalgie
YouTube et Twitch ont rapidement été investis par les joueurs pour commémorer à leur manière l’évènement et ce, de deux façons:
– Nostalgie du joueur ayant parcouru Assassin’s Creed Unity en 2014, se remémorant ses lointaines parties.
– Nostalgie du touriste qui utilise un jeu vidéo pour retrouver le monument qu’il a connu dans son entiereté.
Si les deux profils se croisent évidemment, Assassin’s Creed Unity prend ainsi un tournant mémoriel assez inattendu, tant les discours exprimés depuis la sortie du jeu se concentrait autour de sa représentation du passé.

Notre-Dame : un point de repères?
L’une des utilités de Notre-Dame dans le jeu serait de permettre au joueur de pouvoir se repérer dans l’espace du jeu. Si l’idée est séduisante et témoigne d’un certain optimisme dans l’immersion du joueur dans le level design, il me parait éluder l’expérience de jeu d’un open world comme Unity.
De mon point de vue de joueur, le trajet du joueur d’open world « citadin » est largement cadré par l’importance de la carte du jeu, comme le soulignait Mathieu Triclot concernant Red Dead Redemption 2. En effet, l’avatar doit régulièrement partir d’un point A pour aller vers un point B. Locker le point d’arrivée via le HUD nous fait souvent aller tout droit, un peu tête baissée, pour atteindre son objectif.
Quid de l’importance donné au décor avec une telle focalisation sur un simple point?

Pour en savoir plus:
« Non, le jeu vidéo « Assassin’s Creed Unity » ne servira pas à reconstruire Notre-Dame de Paris » de William Audureau
Retour sur les représentations de Notre-Dame dans le jeu vidéo (JVC)


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Analyse complète d’Assassin’s Creed Unity