Soutenance de thèse – Romain Vincent – 20 décembre 2024

J’ai le plaisir de vous annoncer la soutenance de ma thèse en sciences de l’éducation et de la formation intitulée : Du ludique au pédagogique : la scolarisation du jeu vidéo par les enseignants

Elle aura lieu le vendredi 20 décembre à 14h, au Campus Condorcet d’Aubervilliers, dans la salle 100 du Centre des colloques. Pour assister à la visioconférence, veuillez remplir ce formulaire.

Le jury est composé de :
Anne BARRÈRE, Professeure des Universités, Université Paris Cité, rapportrice.
Vincent BERRY, Professeur à l’Université Sorbonne Paris Nord, directeur.
Gilles BROUGERE, Professeur Emérite à l’Université Sorbonne Paris Nord, directeur.
Florence ELOY, Maîtresse de conférences, Université Paris 8, examinatrice.
Julien NETTER, Maître de conférences HDR, Université Paris Est-Créteil, rapporteur.
Emmanuelle SAVIGNAC, Professeure à Université Sorbonne Paris-Nord, examinatrice.

Résumé

Depuis les politiques d’équipement des écoles françaises en matériel informatique instaurées dans les années 1970 et 1980, les jeux vidéo sont régulièrement présentés comme un vecteur d’innovation pédagogique. Les travaux sur leur introduction en salle de classe se concentrent sur l’efficacité du dispositif ludique en termes d’apprentissage et de motivation des élèves. Ces études omettent le plus souvent le rôle de l’enseignant, que ce soit dans la construction du jeu vidéo en tant qu’outil pédagogique ou lors de son utilisation concrète en classe. Comment les enseignants se saisissent-ils du jeu vidéo, un dispositif ludique prévu pour le divertissement et par ailleurs absent des programmes scolaires, afin de le transformer en outil pédagogique ?

Cette thèse rend compte du processus de scolarisation du jeu vidéo par le biais d’une enquête de terrain reposant sur l’observation de dix-sept enseignants en situation, issus de différentes disciplines de l’enseignement secondaire français. Les résultats montrent que les enquêtés s’appuient sur leur propre culture ludique pour préparer leurs séances. Les ressources utilisées pour enseigner sont donc le reflet de l’éclectisme du répertoire culturel des enseignants mêlant des pratiques jugées légitimes et d’autres, comme le jeu vidéo, considérées comme illégitimes. Ils parviennent cependant à en valoriser l’intérêt culturel et éducatif tant dans le cadre de leur loisir que dans l’exercice de leur métier. Néanmoins, l’usage du jeu vidéo en classe n’est pas une simple transposition de sa pratique dans la sphère du divertissement : tout en adaptant le jeu vidéo aux objectifs du programme scolaire, les enquêtés souhaitent répondre aux difficultés rencontrées dans l’exercice de leur métier, comme lutter contre la routine professionnelle, susciter l’intérêt des élèves et construire un climat scolaire agréable. Scolariser les jeux vidéo contribue également à la construction d’un style pédagogique propre et d’une réputation au sein de leur établissement.

L’observation de leurs cours permet ensuite de remettre en question les termes de gamification ou de ludification qui peinent parfois à saisir la réalité des pratiques en situation. En effet, afin de scolariser les jeux vidéo, les enquêtés contrôlent l’activité ludique des élèves : pour mettre à distance les pratiques ludiques juvéniles et atteindre leurs objectifs pédagogiques, les enquêtés interviennent directement dans la pratique du jeu, en prenant par exemple en charge l’apprentissage des règles, en réduisant les possibilités d’action des élèves et en ajoutant un travail écrit. Cette pédagogie du contrôle varie néanmoins en fonction des contextes d’enseignement, des disciplines et du style pédagogique des enquêtés.

En décrivant concrètement les différentes pratiques pédagogiques mobilisant le jeu vidéo, cette enquête met en évidence les tensions entre l’activité ludique et les objectifs éducatifs. Par ailleurs, elle dépasse la seule question du jeu vidéo et interroge la scolarisation des pratiques culturelles. À l’instar du cinéma, de la musique ou des séries télévisées, le jeu vidéo est souvent mobilisé pour tenter de faciliter la transmission des connaissances du programme. Dans d’autres cas, il est étudié comme une œuvre culturelle et artistique sollicitant chez les élèves des dispositions savantes et esthétiques. Cette perspective permet d’aborder les réceptions différenciées que peuvent en faire les élèves en fonction de leur propre culture ludique, de leur niveau scolaire et du contexte social de l’établissement. L’usage du jeu vidéo en classe témoigne ainsi de l’évolution et de la complexification du métier d’enseignant, mais également de celles des tâches scolaires demandées aux élèves. En cela, cette recherche a pour ambition de nuancer, voire de dépasser, les discours médiatiques, institutionnels et industriels sur le potentiel éducatif des jeux vidéo.